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Avez-vous peur du changement ? La résistance en psychothérapie

Je veux changer, il faut que ça change : c’est la demande classique d’un patient qui vient en psychothérapie. Mais parfois, même si le thérapeute arrive à proposer des voies de changement… ça résiste. Parce que le changement n’est pas nécessaire, ou alors il fait peur. Comment reconnaître ce piège et en sortir ?

Mais d'abord, pourquoi et comment changer?

Changer pour sortir d'une souffrance

Un proverbe anglais dit : « Si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas. » Ce qui revient à dire : lorsque tout va bien, inutile de se poser trop de questions, et surtout ne pas chercher trop à améliorer. Changer ce qui fonctionne, c’est courir le risque de créer un problème.
Ainsi, en psychothérapie, le changement s’impose lorsqu’il y a une souffrance qui s’installe, perdure, s’aggrave. Cette souffrance peut concerner nos relations avec le monde et les autres : perte de sens au travail ou perte d’un emploi, difficulté à prendre sa place, conflits récurrents, relations toxiques… Ou parfois, nous souffrons de notre relation à nous-même : angoisses, mauvaise image de soi, perte de confiance. Et toutes ces souffrances sont imbriquées.

Icone montrant du doigt un élément systémique important

En thérapies systémiques, on considère que la relation à nous-même et la relation à l’extérieur sont imbriquées. Ainsi par exemple, dépression et échec professionnel se nourrissent l’un l’autre. C’est par notre relation au monde que nous nous définissons: je suis timide, battant, conciliant, colérique… Et ce rapport à nous-même influence nos comportements, et donc notre rapport au monde.

Tout changement est relationnel

Changer, c’est donc reconfigurer notre système, notre univers relationnel. Bien sûr, il est rare de venir en psychothérapie avec une demande de « tout changer ». En général, la personne qui souffre est focalisée sur un aspect de son système relationnel. C’est là que la souffrance est la plus visible, la plus vivante. Et bien sûr, il faudra aller chercher d’autres éléments du système, en lien avec cette souffrance, et qui vont devoir aussi changer pour éviter un blocage.
C’est donc tout un univers complexe de relations qui va devoir évoluer. La stratégie du thérapeute, ou la stratégie personnelle de changement, consiste à choisir sur quoi faire porter le mouvement, les transformations initiales.

Vraie et fausse souffrance

Changer pour se conformer au regard des autres ?

Certains patients viennent en thérapie sur la pression de leur entourage. Ils ont développé des comportements qui inquiètent. La femme qui n’a plus de désir pour son mari, l’enfant qui ne veut plus aller en classe, le professionnel qui veut changer de voie, la personne âgée qui se replie sur elle-même… Tous ont l’air d’aller mal. Ils posent un problème à leur entourage, qui en déduit qu’ils ont un problème. Finalement, c’est comme si leur famille leur disait : « Je n’aime pas ce que tu es en ce moment, et je n’ai pas envie de m’adapter. Alors, change ! » Le changement sera difficile, puisque la motivation vient de l’extérieur.

Icone montrant du doigt un élément systémique important

Lorsque la pression de l’entourage est très forte, la personne qui est censée « avoir un problème » va finir par accepter de consulter. Elle vient alors non pas tant pour changer, mais pour avoir la paix, pour donner des gages de bonne volonté à sa famille ou ses supérieurs. En psychothérapie, on parle de « patient-alibi ». Le patient vient pour dire : « Tu vois que je fais des efforts, je suis aller voir TON thérapeute ». Plutôt que de répondre à cette fausse demande de changement, il faudra déjà démêler ce qui appartient à la personne, et ce qui est porté par son entourage.

Tu devrais te faire aider !

Ces fausses demandes de changement, portées par l’extérieur, se retrouvent fréquemment dans les couples. L’un des conjoints devient dépressif, se met à boire, passe des heures sur YouPorn, ou devient chroniquement infidèle. » Manifestement, tu as un problème, tu devrais te faire aider. » Mais parfois, le conjoint dépressif, alcoolique ou infidèle ne souffre pas tant que ça de sa dépression, de son addiction ou de sa tendance aux aventures. Il souffre peut-être d’autre chose, et son comportement en est une conséquence. Donc le comportement qui pose problème est en fait pour lui une solution… Il y a donc peut de chance qu’il ait vraiment envie de changer. 

On trouve aussi beaucoup de fausses demandes chez les enfants et les ados. L’ado qui cesse de travailler, dont les notes ont baissé, n’est pas forcément en souffrance, au contraire : il travaille moins, et il survit au collège. Ses parents, par contre sont inquiets. Il viendra consulter un thérapeute ou un coach scolaire pour travailler sur sa motivation, ses méthodes de travail… qui en fait ne lui posent aucun problème.

Quand on résiste au changement

La logique du non-changement

Les pères de la thérapie systémique et stratégique selon l’Ecole de Palo Alto ont rappelé à plusieurs reprises que, quel que soit le comportement étrange, absurde, dommageable ou douloureux qu’une personne développe, elle a toujours une bonne raison de le faire. Une raison qui fait sens… selon la logique de son propre système.
Son comportement a pu apparaître comme une solution à un problème à un moment donné. Il peut même avoir des conséquences positives inattendues — ce qu’il est courant d’appeler des « bénéfices secondaires ».

Les exemples sont innombrables, notamment dans la sphère professionnelle. Tel cadre qui a perdu son emploi semble incapable d’en retrouver un, il semble déprimé, il procrastine, ne se mobilise pas pour répondre à des offres, contacter des employeurs. En fait, il haïssait secrètement son ancien travail, mais n’arrive pas à se l’avouer ou l’avouer à son entourage… ce qui supposerait de démarrer une reconversion pour laquelle il n’est pas prêt. La « dépression » lui permet juste de se donner une pause mentale avant de renoncer à son ancienne carrière pour se reconstruire ailleurs.

Icone montrant du doigt un élément systémique important

Plainte ou souffrance ?
Un des avantages pernicieux d’une situation difficile, c’est qu’elle permet d’engendrer une plainte et donc, éventuellement, de recevoir de l’attention, susciter de la compassion, voire se faire prendre en charge par l’entourage. Le danger est alors de s’installer dans une situation où les bénéfices de la plainte compensent la souffrance. Finalement, la personne ne souffre pas tant que ça de la situation, elle y a trouvé une sorte d’équilibre. C’est alors l’entourage qui souffre le plus, s’il est excédé ou angoissé de ces plaintes perpétuelles. Mais parfois, l’entourage peut aussi trouver un bénéfice à jouer les sauveurs, les aidants, les garde-malades… et c’est alors tout un système familial ou relationnel qui s’installe dans la gestion de la plainte. De sorte que finalement, personne n’a vraiment intérêt à résoudre le problème sous-jacent.

Quels sont les inconvénients du changement ?

Quand la résistance au changement est trop forte, il convient de se poser une bonne fois la question : si j’arrivais à résoudre ce problème, à obtenir le changement désiré, quels inconvénients pourraient en découler ?
Cette question semble paradoxale pour une personne qui cherche désespérément à changer depuis des mois, des années… Et justement, plus le changement est difficile, plus il est désiré sans succès, plus cette question doit être abordée. Les réponses seront toujours surprenantes.

Ainsi, cette maman dont la petite dernière, âgée de 4 ans, soumet tous les soirs ses parents à un rituel de sommeil qui prend des heures : un bisou, un pipi, une histoire, une crise de larmes, un autre bisou, etc. De sorte que les parents n’arrivent plus à se retrouver entre eux. Après de multiples tentatives, la situation ne bouge pas. Finalement, la maman est interrogée sur les inconvénients du changement. Elle réalise alors, très gênée, que si sa fille allait se coucher sans problème, elle se retrouverait face à son mari et ses demandes de relations intimes qu’elle cherche plutôt à fuir.

De même, cet homme qui se plaint de son incapacité à s’organiser au travail, et cherche les conseils d’un coach pour être plus efficace. Seulement voilà, parce qu’il est inefficace, il est obligé d’enchaîner les soirées tardives au bureau, ce qui finalement lui évite de rentrer chez lui où l’ambiance est conflictuelle.

Ne pas remettre en cause le passé

Un des aspects terrifiants du changement, c’est qu’il peut jeter un regard cruel sur notre passé. Telle personne qui vient de passer les dernière années noyée dans l’alcool, négligeant son travail et faisant souffrir sa famille, va avoir une prise de conscience terrifiante si elle arrive à devenir sobre. Un dégrisement dans tous les sens du terme. Jusqu’ici, les choses étaient « simples » : elle était victime, prisonnière de son addiction. Maintenant qu’elle a changé, et qu’elle réalise que c’était donc possible, il y a le risque de culpabiliser sur toutes ces années gâchées.

C’est ainsi que pour éviter des regrets ou des remords, certains vont préférer rester dans une situation pénible, en se persuadant qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Un très bon exemple, ce sont les relations de couple qui s’éternisent alors que les deux protagonistes sont en souffrance. Finalement, se séparer, ce serait s’avouer à soi-même, et avouer à l’entourage, que l’on s’est trompés. Un échec d’autant plus difficile à supporter que les autres nous avaient poussé à arrêter. Il faudra alors supporter les « Tu vous, je te l’avais dit, qu’il n’est pas fait pour toi… »

Quand le bonheur fait peur

« Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve… » Les paroles douces-amères de cette chanson le rappellent : il est parfois plus rassurant de rester dans un semi-malheur assuré, que de risquer de tout perdre pour un bonheur qui, bien sûr, ne sera jamais garanti pour la vie. C’est la logique du bon vieux « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ». C’est ainsi que l’on reste dans un métier assommant, plutôt que de risquer une carrière passionnante qui ne le sera peut-être plus par la suite.

Parfois, il vaut mieux rester accroché à un rêve que le confronter à la réalité. Risquer de quitter son job pour devenir musicien, c’est laisser tomber un rêve de vie d’artiste enchantée et se confronter à la précarité, l’échec, et découvrir que finalement on n’avait pas tant de talent. En n’essayant pas, on se protège à vie contre l’échec, et on garde l’illusion du « J’aurais dû être un artiste ».

Et vous, comment résistez-vous au changement ?

Tout changement entraîne une résistance : telle est la loi des systèmes et des interactions humaines. Alors, si changer vous semble difficile, il est temps de se demander :

– le problème est-il un problème pour vous, ou votre entourage ?
– quels sont les bénéfices du problème actuel, pour vous ou les autres ?
– quels pourraient être les inconvénients inattendus du changement ?
– évitez-vous de changer pour justifier des décisions passées ?
– avez-vous peur de l’inconnu, du risque, du bonheur ou de l’échec ?

En explorant ces questions parfois étranges, on pourra mieux trouver comment changer… ou décider de rester où l’on est, en connaissance de cause.

Cet article a été notamment inspiré du magnifique ouvrage de François Roustang : Savoir attendre pour que la vie change (Odile Jacob, 2006).

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ANNE GOUYON
ANNE GOUYON

Coach et thérapeute, je pratique les thérapies brèves systémiques et stratégiques selon l'Ecole de Palo Alto à La Tête Libre, à Paris et Antony. Je vous fais bénéficier de mon expérience de la relation d'aide et de l'accompagnement d'enfants, adultes et familles en difficulté scolaire et relationnelles.

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