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Covid, masque, couvre-feu… angoisse, colère, dépression : que faire de nos émotions ?

Encore peu abordées, masquées par la peur du covid, les conséquences psychiques de l’épidémie, du port du masque, du couvre-feu et autres mesures sanitaires concernent tout le monde. Psychologues, psychothérapeutes et thérapeutes, nous voyons défiler des patients de tous âges en prise à l’angoisse, la colère, la confusion. Plus tragique encore, les personnes en dépression, qui n’ont même pas la force de consulter. Première étape pour aller de l’avant : démêler cet écheveau d’émotions.

Peur du covid ou du confinement ? Affronter l'angoisse et l'anxiété

Omniprésente face au covid, au confinement et à la crise, la peur est l’émotion de tous. Elle se manifeste dans les pensées, et dans les symptômes directs du stress : anxiété, crises d’angoisses, insomnies. Le corps parle par les tensions, la fatigue, les douleurs. Les symptômes d’angoisse respiratoire sont en première ligne. Plus que jamais, l’anxiété nous met en apnée : sensation d’étouffer sous le masque, peur de ne plus pouvoir respirer à cause du covid. Et cette peur s’auto-alimente : plus j’ai peur de manquer d’air, plus j’étouffe.

La peur est d’autant plus présente qu’elle concerne tous les « camps ». Car oui, la France, le monde entier sont divisés. La majorité pense que le danger du covid justifie les mesures de privation de contacts sociaux, voire en demandent plus. C’est bien le coronavirus qui leur fait peur, pour eux ou pour leurs proches. Ils en veulent à cet inconnu « rebelle » qui avance sans masque, le nez au vent, ou brave le couvre-feu. Mais derrière la colère de ce « rebelle » se cachent aussi des peurs. Il est inquiet pour nos liberté, pour son avenir, celui de ses enfants. Il en veut aux « masqués » de se soumettre à ce qu’il perçoit comme une dictature… masquée.

Alors, avant d’avoir peur les uns des autres, voir de s’insulter, un peu d’empathie : « soumis » ou « insoumis », en ce moment, tout le monde connaît la peur ou au moins des moments d’angoisse. Car l’angoisse, c’est cette forme subtile de la peur, qui s’adresse à quelque chose d’invisible. Quelque chose contre quoi on ne sait pas lutter. On peut avoir peur d’un bus qui nous fonce dessus, l’éviter et reprendre son chemin. Mais face à la menace de la maladie, du contrôle étatique ou de la crise économique, la peur devient diffuse : c’est l’angoisse. Puis, au fil du temps, l’anxiété permanente, généralisée. Certains ont des stratégies naturelles pour vivre avec, la réguler. D’autres n’y arriveront pas. Et plus ils luttent contre cette émotion naturelle, plus ils en souffrent. Jusqu’à terminer en attaques de panique, en troubles anxieux généralisés, comme les patients que je reçois dans mon cabinet.

Et vous, de quoi avez-vous peur, en secret ? Contre quel ennemi invisible aimeriez-vous vous protéger ? Comment se manifeste cette angoisse dans vos pensées, dans votre corps, dans vos comportements ? Se poser ces questions, prendre le temps d’observer ces réactions, de les écouter, les accepter, c’est la première étape pour les surmonter, en faire quelque chose. C’est une des premières démarches que l’on propose pour l’angoisse en thérapies brèves. Avec l’avantage d’être alors accompagnés, car affronter ses peurs seuls est plus facile à dire qu’à faire !

 

Si elle est parfois évidente, la peur avance aussi masquée. Elle prend alors d’autres visages, du repli à l’hyperactivité, de la colère à la dépression. Savoir les reconnaître, là encore c’est éviter de submerger, et de tomber dans quelques pièges que nous avons tous connus, chez nous ou dans notre entourage.

De la fuite au repli : de l'isolement à la dépression

La peur est la plus primaire des émotions. C’est à la base un simple signal d’alerte pour se préparer à un danger. La réponse préférée de tout organisme est alors la fuite. Même les lions préfèrent éviter le combat, dont le vainqueur sort souvent blessé.

Hélas, où fuir face à une pandémie ? Dès le début, le seul refuge proposé face au virus, c’est notre domicile. L’isolement, le repli sur soi, sont des tentatives de se mettre à l’abri, officiellement encouragées : rester chez soi, télétravailler, limiter les contacts. Sans être vraiment rassurés, car après tout, s’enfermer avec nos proches, c’est risquer de les contaminer ou qu’ils nous contaminent. On peut aussi s’isoler pour fuir la vision anxiogène des visages masqués, des rues désertes.

Plus ou moins supportable, l’isolement fait des ravages chez les personnes qui étaient déjà seules, en premier lieu nos aînés. Au point qu’il devient difficile de savoir si le virus les a plus affectés que la perte de contacts et avec elle, la perte du goût de vivre.

L’isolement excessif, jusqu’au repli sur soi et la dépression, menace aussi toutes les victimes d’anxiété sociale, voire de phobie sociale. Les voilà aux prises avec une nouvelle raison d’éviter les contacts. Or, en psychothérapie systémique, on sait que le fait même d’éviter quelque chose renforce la peur. Ainsi, des symptômes d’anxiété sociale modérés basculent dans la pathologie. Et quand l’anxiété dure, la dépression n’est pas loin.

Pour le comprendre, un psychologue célèbre, Seligman, a étudié la façon dont un animal peut devenir dépressif. Dans une expérience qui confine à la torture animale, il a enfermé des chiens dans une cage où ils recevaient, de manière aléatoire, des décharges électriques par le sol. Après avoir tenté de fuir, les malheureux animaux renoncent, se replient dans un coin de leur cage, subissant leur souffrance sans réagir. Dès lors, si on ouvre la porte de leur cage, la plupart sont incapables d’aller vers la sortie : c’est l’impuissance apprise. Seligman en a fait un modèle de la dépression.

Toujours chez l’animal, les travaux de Levine ont montré que face à un prédateur, un lapin ou une antilope incapables de fuir se figent sur le sol, comme dans un coma. Le fauve se détourne alors de cette proie inerte. Il semble que le même mécanisme soit une des causes de la sidération qui s’empare des victimes d’agression, notamment en cas de viol. Quand toute lutte et toute fuite est impossible, le corps est programmé pour s’immobiliser.

Se mettre en repos, en protection, s’isoler, peuvent être des stratégies fonctionnelles face à une menace temporaire, ou une perte. Ils font partie des étapes normales d’un deuil. Prolongés à l’excès, ils mènent à la dépression. Hélas, en ces temps de covid, les psychologues et thérapeutes voient beaucoup de personnes angoissées, mais beaucoup moins de dépressions sévères. Isolés, désespérés, les individus en dépression ne se sentent pas capables de demander une aide à laquelle ils ne croient plus. Dans ce cas, inutile de les traîner de force chez un « psy ». C’est d’abord à l’entourage de faire la démarche de consulter, pour trouver comment mieux les aider.

Lutter contre la peur : du stress à l'hyperactivité, de la mobilisation à la colère

A l’opposé du repli, l’hyperactivité, mentale ou physique, est une réaction classique face au stress. On la retrouve au premier plan chez les personnes déjà hyperactives ou diagnostiquées tda/h, chez les enfants « précoces » et adultes haut potentiel, au cerveau toujours en mouvement.

 

L’hyperactivité peut être destinée à occuper le cerveau pour se détourner de la peur. Mais est-ce possible quand on est bombardés d’informations sur le covid et les mesures sanitaires ? A un moment ou un autre, il faut bien étendre Netflix, et l’angoisse revient. On repousse alors le moment de se coucher, alimentant l’insomnie.

Si certains voudraient « penser à autre chose », l’hyperactivité mentale se focalise parfois sur le covid et les mesures sanitaires. Après tout, il est normal de s’informer pour comprendre et agir intelligemment. Mais comment y voir clair ? Les ordres et contre-ordres se succèdent, les scientifiques se déchirent, la confiance dans le gouvernement s’étiole, alimentant toutes les thèses inquiétantes. « Plus on en sait plus, plus on ne sait rien », comme le chantait déjà Dutronc. Poussée trop loin, la quête d’information s’emballe, et finit par alimenter la confusion et l’anxiété. Le corps et la tête s’épuisent, comme une mouche dans un bocal.

Efficaces à court terme, les stratégies d’occupation mentale demandent à être focalisées, et surtout encadrées de limites. Des limites pour faire des pauses, et admettre ce que l’esprit occidental déteste : vivre sans certitudes. Et donc, toujours, affronter la peur.

Derrière la frénésie de pensée, de quête d’information et d’action, se profile aussi une autre défense classique contre la peur : la colère. D’autant plus présente qu’elle naît aussi de la frustration face à tous les plaisirs qui nous sont retirés — voire face au chômage et à l’absence d’avenir.

La colère est une des stratégies de refus de la mort dans les processus de deuil. Se mettre en colère contre le gouvernement, ou contre les « anti-masques », c’est une façon de dire « non » à ce qui nous entoure. Une démarche parfois nécessaire, qui a permis la Révolution française et la Résistance. Hélas, aujourd’hui, difficile de savoir contre quoi ou contre qui résister, et surtout comment. Aucun politique ne semble capable de proposer une alternative. Même les gilets jaunes sont privés de mobilisation. Se retrouver sur les rond-points, interpeller le gouvernement, toutes ces tentatives de lutte sont désormais impossibles. Quelle poudrière se prépare ainsi ?

Privée d’exutoire, la colère devient rage, agressivité, hostilité, elle nous mine et nous dresse les uns contre les autres, voire contre nous-même, à défaut d’ennemi visible à abattre. Certains achètent des armes pour se préparer au pire, alimentant le cercle de la peur et de l’agressivité. D’autres clament leur fureur sur les réseaux sociaux, s’en prenant à « l’autre », celui qui n’a pas la même opinion, la même origine, la même religion. Les passages à l’acte violents se multiplient, surtout chez les plus jeunes. Chez des enfants déjà hypersensibles, on voit flamber les crises de colère, voire la violence contre leurs proches, leurs professeurs, ou n’importe qui croisant leur route.

Et s'il restait le plaisir, la joie et le partage ?

Pour tenter de rétablir le bien-être, on peut aussi chercher du réconfort dans l’alcool, euphorisant et tranquillisant. Sans oublier le tabac, le sucre, la nourriture en général, l’addiction aux écrans. Hélas, le corps s’habitue, réclame toujours plus. Quand le petit verre devient 2, 3 ou plus, béquille indispensable du quotidien, il est temps de consulter.

Avant d’en arriver là, mieux vaut se donner des plaisirs « positifs ». Certains ont retrouvé le plaisir de lire, marcher, faire du sport. Il ne s’agit pas forcément de se mettre de nouveaux challenges angoissants, comme gagner top chef ou un marathon. Ni, surtout pas, de tomber dans le piège de la pensée positive : « se forcer à se faire du bien ». Le plaisir ne se décrète pas, il se vit.

Même s’il faut lutter contre la peur et la morosité, cultiver des contacts sociaux est plus que jamais nécessaire. Y compris, oui, des contacts physiques, dont le virtuel n’est qu’un bien pauvre ersatz. Il ne s’agit pas d’aller embrasser des inconnus dans la rue. Plutôt se rendre à des réunions, des groupes de parole, des activités sociales, visiter un ami, aller au théâtre et au cinéma, au restaurant. C’est notre dernier rempart contre la folie et la dépression, individuelle et collective.

Chacun choisira la façon de le faire qui lui paraît responsable face à son évaluation des risques. Ne l’oublions jamais : dans une démocratie, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Il serait dommage de se priver des bienfaits de la culture et de l’amitié, alors qu’il reste bien des libertés. En profiter, c’est aussi éviter le piège de la frustration qui alimente la colère. Et peut-être protéger un peu notre économie, surtout celle de la culture, de la dépression qui guette.

Le plaisir peut aussi se retrouver dans l’action avec et au service des autres. On l’a vu avec l’apparition des envies de bénévolat depuis le confinement. Ou tout simplement la solidarité avec un voisin âgé. Beaucoup ont retrouvé les plaisirs de la vie de famille, ont passé des bons moments nouveaux avec leurs enfants. Si la violence conjugale s’est développée, d’autres couples, au bord du divorce, ont renoué des liens pendant le confinement, apprécié la sécurité que donne un couple stable.

Quand on est en souffrance, privé d’emploi, bombardé des images de la souffrance des autres, l’action positive est un excellent antidote — là aussi, sans tomber dans la frénésie d’action. Partout, des associations cherchent des bénévoles, pour quelques heures par mois, voire ponctuellement. On trouve ainsi des opportunités concrètes d’agir sur le site de France Bénévolat. Au lieu d’alimenter le cercle vicieux de la frustration, de l’hyperactivité mentale en boucle et de la colère, on satisfait  un besoin d’action constructive, et surtout d’espoir.

Bien gérées, toutes les émotions peuvent devenir un moteur de changement. Débattre sur les réseaux sociaux, sans hostilité, susciter la réflexion collective peut être un moyen de s’investir. D’autres ont profité de cette période de bouleversement pour réfléchir à de nouveaux projets de vie : changer d’emploi ou de rythme de vie, s’installer plus près de la campagne et d’une vie plus sereine… En définitive, il nous reste l’espoir de trouver des solutions pour mieux vivre ses rapports à soi, à sa famille et aux autres.

Et vous, quelles ont été, que seront demain vos stratégies, vos petites et vos grandes victoires au quotidien ? Comment ferons-nous pour survivre mentalement, pour rester humains, avec nous-mêmes et avec les autres ? C’est le moment de partager vos émotions, vos idées et vos expériences. Tous les commentaires respectueux sont les bienvenus ! S’exprimer, c’est déjà agir et partager.

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ANNE GOUYON
ANNE GOUYON

Coach et thérapeute, je pratique les thérapies brèves systémiques et stratégiques selon l'Ecole de Palo Alto à La Tête Libre, à Paris et Antony. Je vous fais bénéficier de mon expérience de la relation d'aide et de l'accompagnement d'enfants, adultes et familles en difficulté scolaire et relationnelles.

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